On purge bébé / Mon Isménie

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Parmi le foisonnement des auteurs dramatiques de la fin du 19ème siècle, seuls Feydeau et Labiche sont encore édités et joués aujourd’hui. Si leurs pièces ont résisté au temps, c’est que leur facture est d’une incontestable habileté. Tous deux sont des commentateurs ironiques de leur époque et ont écrit pour la scène de façon ininterrompue durant toute leur vie. De plus, chacun possède à merveille les arcanes et les ressorts de la comédie dramatique. L’un et l’autre ont le goût du verbe pétillant et une insatiable propension à saisir les travers humains pour en sourire.

Il nous a semblé pertinent de réunir en une seule soirée deux de leurs meilleures pièces en un acte Mon Isménie de Labiche et On purge bébé de Feydeau.

Les pièces

Mon Isménie (1852) met en scène un père de 64 ans (Vancouver) fou amoureux de sa fille Isménie, inventant les stratagèmes les plus vils pour en éloigner les prétendants. Sa jalousie devient maladive et elle aurait eu raison du célibat d’Isménie sans l’ingéniosité du dernier prétendu Dardenboeuf qui déjoue un à un tous les pièges tendus par Vancouver. Le promis  est fortement appuyé par la tante Galathée, vieille fille richissime, qui prend les amoureux sous son aile et qui menace à tout moment Vancouver de lui couper les vivres. Complètement désespéré, le père doit s’avouer vaincu et céder sa fille au gendre abhorré.

On purge Bébé (1910) met en scène Follavoine, la quarantaine père de famille inculte partagé entre son travail (il est porcelainier) et sa vie de famille (rapports difficiles avec sa femme, son fils Toto et sa bonne). Follavoine attend avec impatience Monsieur Chouilloux, président de la commission d’examen de l’armée française, qui envisage de doter chaque soldat d’un pot de chambre. Une énorme commande en perspective qui va être constamment contrecarrée, sabotée même, par les irruptions constantes de Julie Follavoine. Cette dernière ne va cesser de houspiller son mari pour qu’il se décide à administrer une purge à leur fils Toto (sept ans), atteint de constipation chronique.
Quiproquos et malentendus s’enchaînent à un rythme fou, la commande est annulée, Follavoine et Chouilloux boivent eux-mêmes la purge tandis que restent en scène, maléfiques, Julie et Toto triomphants.

Thèmes traités et actualité

Les deux pièces se situent dans le cadre familial. Les deux pères de famille, Vancouver et Follavoine, sont entraînés par des courants irrésistibles qui les font se débattre avec des difficultés insurmontables. L’un est étouffé par sa jalousie vis-à-vis de sa fille qu’il ne peut imaginer loin de lui et amoureuse d’un autre homme et l’autre se voit incapable de concilier harmonieusement sa vie professionnelle et sa vie de famille.
Le cadre familial, dans un cas comme dans l’autre, est décrit comme un marais où l’on s’enlise sans espoir de fuite, du point de vue des deux pères de famille bien entendu. A la fin des pièces, Vancouver se dit « ruiné, anéanti et démoli » tandis que Follavoine, ayant raté la fortune, hurle « j’aime mieux quitter la maison. Je m’en fous! ». Il n’y a pas de morale, pas d’espoir, juste le néant.

Ces pièces, avec leur mécanique admirable, sont plus vivantes que jamais, parce qu’elles disent le vrai sans dire si le vrai est le bien. La peinture est impitoyable mais le peintre ne juge pas. Les thèmes soulevés par Labiche et Feydeau sont sérieux et profonds mais échappent à la tristesse par la causticité et l’ironie mordante de leurs auteurs, pour aboutir finalement à un grand rire libérateur.