L'eunuque de Zanzibar ou les prodiges de l'amour

L'eunuque de Zanzibar ou les prodiges de l'amour a été créé au théâtre de Vidy Lausanne ETE (direction René Gonzalez) durant la saison 92-93. Il a été salué aussi bien par la critique que par le public.

Ce spectacle est un montage de textes de Pierre Cami (1884-1958), humoriste aujourd'hui tombé (indûment) dans l'oubli.Tout commence avec un procès, le procès de Pierre Cami, jugé pour outrage public aux bonnes moeurs. Très vite le tribunal laisse pourtant la place aux personnages issus de l'imagination de l'accusé. Les saynètes qui se suivent ou s'entrecroisent permettent à "l'explorateur désenglandé", au "petit chaperon vert", à "l'enfant de l'ivrogne", au "baron de Crac" et à tant d'autres personnages issus de l'imagination débordante de celui qui fit (entre autres) rédacteur en chef du Petit corbillard illustré, de parler d'amour (et de haine).

Au total une soixantaine de personnage se succèdent ou se croisent sur le plateau et le spectateur est invité ainsi à entrer dans le monde foisonnant de vie de Cami.

Les six acteurs changent donc régulièrement (et parfois à un rythme effréné) de rôle. Costumes et accessoires en tout genre apparaissent d'on ne sait où pour fixer (en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire) une ambiance, un caractère, un lieu ou une époque. On passe ainsi sans accroc d'une austère salle de tribunal où trônent un "substitut au bouc agressif' et un "président aux côtelettes poivre et sel", à la profonde forêt du "banc de bambou près de zanzibar" où, par un clair de lune romantique, "Ali et Fathma la blonde" se déclarent leur amour qu'une "bande d'hommes à figures sinistres" aux ordres du sultan de Zanzibar mettra en péril.

L'esthétique générale du spectacle est celle du cinéma des années trente. La musique, composée par Véronique Piller, est interprétée par un pianiste présent sur le plateau. A l'image des costumes, des accessoires et de la lumière, elle facilite les incessants changements d'ambiance. Ainsi, le piano accompagne parfois les nymphettes du "baron de Crac" ou l'interprétation d'une chanson réaliste de "Clara piston", évoque d'autres fois l'orage de la nuit terrible durant laquelle le "petit Justicier" mettra fin aux jours de son "père indigne" ou annonce l'arrivée du "fils de Roméo", parenticide enfant à barbe venu au monde après soixante ans de gestation.

Ce cocktail explosif débouche sur un spectacle drôle et enlevé d'une durée d'une heure quinze, spectacle durant lequel le spectateur n'a guère le temps de s'ennuyer.