Civet de cycliste

Karl Valentin est non seulement un génie de la scène, roi du gag et de l’humour froid, mais aussi un magicien du verbe, capable de manier le contresens jusqu’au sens et vice versa : un démonteur du langage.

Le choix de monter les textes de Valentin ne tient pas du hasard. Depuis longtemps ce personnage hors du commun fait partie de nos coups de coeur. L’exploration de son univers constitue un développement logique de la démarche que poursuit notre compagnie.
Nous essayons de faire partager au public notre perception du monde par le biais d’auteurs au ton parfois léger et caustique mais soulevant des questions fondamentales telles que notre place dans le monde, notre relation au pouvoir, l’absurdité de l’existence. Jarry, Harms, Witkiewicz, Brecht, Cami et maintenant Karl Valentin sont des observateurs facétieux et sans concession du comportement humain et de ses paradoxes.

Karl Valentin (1882-1948)

Valentin Ludwig Fey, alias Karl Valentin, est fils d’un déménageur transporteur dans les faubourgs de Munich. Il montre très tôt des aptitudes étonnantes pour le bricolage et la musique. Sa santé fragile (asthme chronique, phobie des transports en commun) ne l’empêche pas, après 5 ans d’apprentissage chez un menuisier, de s’orienter vers une carrière de chanteur populaire dans les caves à bière de Munich.
Il met à profit ses talents de bricoleur pour construire un "orchestrion", une imposante machine musicale composée de vingt instruments dont il pouvait jouer simultanément. Devant l’insuccès de sa tournée musicale, il persévère dans les numéros comiques et finit par rencontrer son style et son public en 1907 avec L’aquarium, son premier sketch.

Quatre ans plus tard, il engage Elisabeth Wellano  (Liesl Karlstadt) qui devient sa partenaire attitrée et sa collaboratrice. Pendant près de 40 ans, ils feront rire le public des cabarets munichois et leur renommée s’étendra dans toute l’Allemagne. Mais Valentin n’ira jamais plus loin que Berlin en raison de sa peur des voyages.
Dès 1933, avec l’arrivée des nazis au pouvoir, Valentin s’éloigne malgré lui de la scène et la guerre met fin à sa carrière. En décembre 1947, il remonte sur les planches en compagnie de Liesl Karlstadt mais il est épuisé et meurt le 9 février 1948. Triste fin pour celui que Brecht considérait comme "l’une des figures intellectuelles les plus pénétrantes de l’époque".